Chaque semaine, une personnalité du football des talus vaudois nous livre sa vision sur une thématique de son choix. Yannick Tachet, entraîneur de Gingins et ancien de Gland, du Stade Nyonnais et de Team Vaud La Côte, défend un football amateur fondé sur la cohésion et le plaisir.
Le football est une passion commune à de nombreuses personnes. Pour que la passion reste intacte au fil du temps, il est important de conserver le plaisir de la pratique de son sport. Yannick Tachet a beau n’avoir que 33 ans, il a vécu bien des aventures dans le football des talus. Le Nyonnais s’appuie sur son expérience pour bâtir des groupes soudés où le plaisir reste central.
L’entraîneur : une personne clé dans la cohésion d’un groupe
On dit souvent qu’un entraîneur doit être capable de rassembler un groupe derrière lui. Une maxime d’autant plus vraie dans le football amateur, où les dynamiques humaines pèsent bien plus que la tactique. « Dans un groupe de 25-30 personnes, entre les joueurs et le staff, en ayant des joueurs d’univers, de lieux et de mentalités complètement différents, avec des très jeunes et des joueurs expérimentés, il faut créer une osmose entre ces gars », a expliqué Yannick Tachet. « Au niveau amateur, en 2ème, 3ème ligue, tu passes une journée difficile, tu peux avoir des problèmes personnels, mais tu viens au foot pour te changer les idées et voir les copains, pour prendre du plaisir à l’entraînement. C’est important pour moi ».
L’actuel coach de Gingins explique que le football d’adulte et celui des enfants ne sont pas si éloignés. « Les petits veulent avoir leur ballon, ils ne sont pas là pour dégager devant, shooter du milieu de terrain et défendre. Quand tu es grand, au niveau régional, tu as toujours envie d’avoir cette même relation », a affirmé le Nyonnais. « Tu viens à l’entraînement pour toucher la balle, pour t’amuser. On fait des préparations physiques, mais tous les exercices sont sous forme de jeux si bien que les joueurs oublient qu’ils travaillent physiquement. Tu les vois rigoler, se chambrer, c’est un des points les plus importants. Si on arrive à retrouver cet esprit joueur avec du plaisir et avec des principes techniques et tactiques, c’est super intéressant ».
Pour que le groupe vive bien, les activités d’équipe en dehors du terrain sont également essentielles. «A Gingins, le lien se cultive autant sur le terrain qu’après les entraînements. On regarde la Champions League au vestiaire, les joueurs qui ont leur anniversaire amènent l’apéro, des activités sont organisées régulièrement», a évoqué Yannick Tachet. « Des moments qui sont importants parce que certains, s’ils ne se connaissaient pas à travers le foot, ne traîneraient pas ensemble ». Pour qu’une équipe fonctionne bien, le staff doit montrer l’exemple. « La première chose est d’avoir un bon lien entre les entraineurs. Je suis très chambreur, donc le fait de rigoler, parler avec tout le monde, voir les entraineurs qui se chambrent, ces petits moments de complicité font toute la différence », a-t-il affirmé.
La philosophie bien au-delà du jeu
Lorsqu’on parle de philosophie, on a souvent tendance à penser à l’approche tactique. Pour Yannick Tachet, ce terme englobe bien plus d’éléments qu’un style de jeu. « La philosophie doit être en relation avec ce qu’on fait. Si tu te dis que tu as envie que tes joueurs prennent du plaisir, mais qu’à l’entrainement il n’y a pas de ballon, il n’y a que des intermittents et qu’ils s’ennuient aux entraînements, cela crée de la frustration, le plaisir disparaît, et avec lui la motivation à venir s’entraîner », a-t-il expliqué. « Pour moi, c’est un tout à ce niveau-là et c’est le plus intéressant en tant que coach. Quand tu as vingt-cinq adultes, ils ont vingt-cinq manières différentes de parler, de comprendre, d’accepter la critique. Le côté humain est le plus valorisant pour le coach et les joueurs. Cette relation est importante pour les joueurs, mais aussi pour le staff. Avec tous les problèmes de santé que j’ai vécus, quand je viens au foot, je ne les vois pas ».
Cette vision du football provient également de son parcours personnel, mais aussi à travers son association Sport4Hope, dédiée au lien social par le sport. « Un des principes est de créer du lien social à travers le sport. Il y a plein de manières de créer des liens sociaux. Avec le foot, c’est un lien social qui réunit des gens. On a tous le même maillot et on devient une équipe, même si on vient d’endroits différents », a-t-il développé. « Ce lien est hyper fort et c’est l’une des choses qui personnellement, avec tout ce qu’il m’est arrivé, me pousse à continuer. Je peux ne plus avoir la force de me lever ou marcher, le foot me fait oublier tous mes problèmes et je retrouve alors l’énergie d’aller au bout de moi-même. Ce sont les joueurs qui nous transmettent cette énergie positive ».
En match, Yannick Tachet veut que le plaisir soit un facteur important qui caractérise son équipe. « Bien sûr que tout le monde a envie de gagner, mais il ne faut pas oublier qu’on a envie de jouer », a détaillé l’entraineur ginginois. « On n’a pas envie de balancer la balle devant, courir derrière et ne faire que de défendre. Il y a des principes défensifs et on peut prendre du plaisir à défendre, mais les joueurs veulent avant tout jouer, pas subir. C’est le plus dur, mais c’est ce qui fait le plus gagner les matchs sur le long terme, car les joueurs adhèrent au projet. Si sur le terrain ils prennent du plaisir, sur le long terme c’est ça qui paie ».
Pour le coach nyonnais, tout le travail pour la cohésion d’équipe, sur et en dehors du terrain, est la clé du succès. « Quand le lien est fort dans l’équipe, sur le terrain tu dois défendre pour ton coéquipier, prendre sa place, presser pour lui, tu vas être prêt à le faire pour lui et te sacrifier », a-t-il évoqué. « Quand tu prends rouge, tu dois être encore plus solidaire qu’à 11. Ce que tu as construit en dehors du terrain, ça va se reproduire dans ces moments durs ».
« De plus, tu peux aussi juger un coach quand il perd les matchs », a-t-il poursuivi. « Est-ce que les joueurs sont encore ensemble ? Est-ce l’équipe qui est derrière lui ? Est-ce que les joueurs restent à la buvette après un mauvais résultat ? Si c’est le cas, tu as tout gagné parce qu’on n’est pas Guardiola, on ne joue pas la Champions League. On est là pour que ça soit un jeu, du plaisir, on n’est pas des professionnels. C’est cette progression, autant sportivement qu’humainement, qui est gratifiante et valorisante pour un coach ».
Des exemples qui ont façonné sa vision
Pour Yannick Tachet, le fait d’avoir côtoyé certains coachs l’a façonné dans sa vision du football tournée autour du plaisir. « Le premier est Sébatien Bichard. C’est la personne la plus travailleuse et j’ai pris du plaisir à toujours plus travailler en le côtoyant », a-t-il applaudi. « La deuxième c’est Adrian Ursea. C’est la philosophie du plaisir tout en étant à la recherche constante de résultats. Il faut être patient, mais c’est extraordinaire au niveau professionnel. La troisième c’est Fabio De Almeida. C’est la personne la plus passionnée qu’on peut rencontrer. Des gens passionnés comme cela c’est du plaisir de les côtoyer. Ce sont de bonnes inspirations ».
